Depuis plus de quinze ans, notre équipe s’intéresse aux mécanismes moléculaires qui régulent la mort cellulaire dans les neurones. Nous avons notamment étudié le rôle du système ubiquitine-protéasome, et plus particulièrement des E3 ubiquitine-ligases de la famille TRIM, dans le déclenchement de l’apoptose des neurones granulaires de cervelet. Depuis quelques années, nous nous intéressons à la régulation de l’α-synucléine, une protéine dont l’accumulation joue un rôle crucial dans la mort des neurones dopaminergiques et la pathogenèse de la maladie de Parkinson. Nos projets actuels sont centrés sur cette protéine, notamment sur la régulation de son expression dans divers modèles.
1.
Régulation de l’apoptose neuronale par les E3 ubiquitine-ligases de la famille TRIM
L’apoptose est une forme de mort cellulaire programmée fortement conservée au cours de l’évolution. Elle joue un rôle fondamental dans la morphogenèse, l’homéostasie tissulaire et l’élimination des cellules représentant un danger potentiel pour l’organisme. Par conséquent, des dysfonctionnements de l’apoptose contribuent à de nombreuses maladies humaines. Dans le système nerveux, l’apoptose joue un rôle crucial au cours du développement. Elle détermine la forme et la taille définitives du cerveau, et permet la mise en place correcte des réseaux neuronaux, en éliminant les neurones n’ayant pas établi les connections synaptiques adéquates. Par ailleurs, de nombreuses études indiquent que les neurones qui disparaissent lors des maladies neurodégénératives ou après une ischémie cérébrale meurent par apoptose. Le système ubiquitine-protéasome joue un rôle important dans la régulation de l’apoptose, en contrôlant l'abondance ou la fonction de nombreuses protéines régulatrices. Les enzymes E3 ubiquitine-ligases confèrent un haut niveau de spécificité à ce système en reconnaissant les protéines cibles et en permettant leur ubiquitination. Cette modification post-traductionnelle peut avoir diverses conséquences sur la fonction des protéines, leur localisation, leurs interactions avec des partenaires ou leur dégradation par le protéasome. Les protéines TRIM représentent une des plus grandes classes d’E3 ubiquitine-ligases à domaine RING.
Nous avons identifié TRIM17 comme l’un des gènes les plus fortement induits lors des phases précoces de l’apoptose dans des cultures primaires de neurones granulaires de cervelet de souris (Desagher et al. 2005). Sa fonction cellulaire était alors inconnue. Depuis, nous avons montré que TRIM17 est à la fois nécessaire et suffisante à l’apoptose de divers types de neurones et que son activité pro-apoptotique dépend du domaine RING qui lui confère son activité E3 ubiquitine-ligase (Lassot et al. 2010). Nous avons également montré que TRIM17 participe à l’ubiquitination et à la dégradation de Mcl-1 dans les neurones (Magiera et al. 2013). Cette protéine anti-apoptotique de la famille de Bcl-2 joue un rôle essentiel dans la survie d’une multitude de types cellulaires et contribue à la tumorigenèse et à la résistance à la chimiothérapie d’un grand nombre de cancers (Mojsa et al. 2014). En parallèle, nous avons montré que TRIM17 inhibe l’activité des facteurs de transcription NFATc3 et NFATc4 en empêchant leur translocation nucléaire. En outre, NFATc3 favorise l’apoptose neuronale en activant l’expression de TRIM17, formant ainsi une boucle de rétroaction négative (Mojsa et al. 2015). Par ailleurs, une série d’études sur d’autres partenaires de TRIM17 nous a permis de découvrir un mode d’action original : TRIM17 peut agir sur le niveau de certaines protéines en inhibant d’autres E3 ubiquitine-ligases de la famille TRIM (Figure 1). Ainsi, nous avons montré que TRIM17 inhibe l’ubiquitination et la dégradation de la protéine anti-apoptotique BCL2A1 induite par TRIM28, favorisant ainsi la survie des cellules qui dépendent de BCL2A1, notamment les cellules de mélanome résistantes à la chimiothérapie (Lionnard et al. 2019). Nous avons identifié un mécanisme similaire pour le facteur de transcription ZSCAN21 : TRIM17 inhibe la dégradation de ZSCAN21 en inhibant l’E3 ubiquitine-ligase TRIM41 (Lassot et al. 2018, Figures 1,3). Plus récemment, nous avons identifié TRIM39 comme une nouvelle E3 ubiquitine-ligase dépendant de SUMO (STUbL) qui induit l’ubiquitination et la dégradation de NFATc3 dans les neurones et est inhibée par TRIM17 (Basu-Shrivastava et al. 2020 ; Figure 2). L’ensemble de notre travail a ainsi apporté une contribution importante à la compréhension des fonctions cellulaires de TRIM17 (Basu-Shrivastava et al. 2021).


2.Régulation de l’expression de l’α-synucléine dans la maladie de Parkinson
L'α-synucléine est une abondante protéine neuronale qui peut former des agrégats protéiques pathologiques dans un groupe de maladies neurodégénératives appelées synucléinopathies. La maladie de Parkinson représente la principale synucléinopathie et la deuxième maladie neurodégénérative la plus répandue après la maladie d’Alzheimer. De très nombreuses études suggèrent que l’α-synucléine joue un rôle direct dans la pathogenèse de la maladie de Parkinson en induisant un dysfonctionnement neuronal et la mort des neurones les plus vulnérables : les neurones dopaminergiques de la substance noire, dont la perte est responsable des symptômes moteurs de la maladie. En effet, des mutations du gène SNCA, qui code l'α-synucléine, induisent des formes héréditaires de la maladie de Parkinson, et des variations au niveau du locus SNCA comptent parmi les plus hauts facteurs de risque génétique de développer des formes sporadiques de la maladie. Par ailleurs, un grand nombre d’arguments suggèrent qu'une augmentation, même limitée, du niveau d'α-synucléine peut causer aussi bien des formes héréditaires que sporadiques de la maladie de Parkinson. Notamment, des duplications et triplications du gène SNCA sauvage ont été identifiées dans des familles au sein desquelles la sévérité de la maladie est directement liée à la quantité d'α-synucléine exprimée. En outre, les polymorphismes qui entraînent une augmentation de la transcription du gène SNCA sont associés à un risque élevé de développer la maladie. Réduire l’expression d’α-synucléine apparaît donc comme une stratégie thérapeutique prometteuse et certains essais ont montré des effets bénéfiques chez l’animal. Cependant, une réduction trop importante du niveau d'α-synucléine par interférence ARN a aussi montré des effets toxiques. Il semble donc que le niveau d’α-synucléine doive être subtilement régulé pour permettre la fonction et la survie des neurones dopaminergiques. Cela souligne l’importance de connaître les mécanismes et les facteurs qui régulent la transcription du gène SNCA. Pourtant, ceux-ci ont encore été peu étudiés et nos connaissances sur ce sujet sont très limitées.
Le but principal de nos recherches actuelles est de mieux comprendre les mécanismes de régulation transcriptionnelle de l'α-synucléine, dans le cadre de la maladie de Parkinson.
Dans une étude précédente (Lassot et al. 2018), nous avons montré que le facteur de transcription ZSCAN21 stimule l’expression d'α-synucléine et que TRIM41 est une E3 ubiquitine-ligase de ZSCAN21. Nos résultats indiquent également que TRIM17 inhibe l’ubiquitination et la dégradation de ZSCAN21 par TRIM41, favorisant ainsi l’expression d'α-synucléine (Figure 3). En outre, nous avons identifié des variants rares des gènes TRIM41 et ZSCAN21, chez des patients atteints de formes familiales de la maladie de Parkinson. Ces variations génétiques entraînent une stabilisation de la protéine ZSCAN21 et devraient donc induire une accumulation d'α-synucléine (Figure 3). Ces résultats suggèrent donc qu’une dérégulation de la voie TRIM17/TRIM41/ZSCAN21 pourrait être impliquée dans la pathogenèse de la maladie de Parkinson. Notre premier objectif est à présent de tester cette hypothèse dans différents modèles cellulaires ou animaux. Ce projet est soutenu par l’ITN TRIM-NET (une action Marie Sklodowska-Curie H2020 de la Commission Européenne).

En particulier, nous utilisons les précurseurs neuronaux humains LUHMES qui peuvent être différenciés de façon homogène en neurones dopaminergiques post-mitotiques (Figure 4). Près de 100% des cellules LUHMES différenciées expriment les marqueurs dopaminergiques tyrosine hydroxylase et transporteur à la dopamine, ce qui les rend sensibles à la neurotoxine MPP+ ou à d’autres stimuli associés à la maladie de Parkinson (Fig. 4A). Nous les cultivons en monocouches (Fig. 4A,C) ou en sphéroïdes (Fig. 4B), et nous utilisons les techniques basées sur CRISPR-Cas9 pour modifier leur génome (Fig. 4C). Nous utilisons aussi des cultures primaires de neurones ainsi que des modèles in vivo murins par le biais de collaborations.

A plus long terme, notre objectif est d’identifier et de caractériser d’autres facteurs de transcription impliqués dans l’expression accrue d'α-synucléine pendant la maladie de Parkinson, ainsi que les voies de signalisation conduisant à leur activation. En contribuant à élucider les mécanismes moléculaires régulant l’expression de l'α-synucléine, notre travail pourrait ainsi conduire au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à normaliser le niveau de cette protéine, afin de protéger les neurones dopaminergiques de la substance noire et de ralentir voire d’arrêter la progression de la maladie de Parkinson.