Les modificateurs post-traductionnels peptidiques de la famille de l’ubiquitine (Ubiquitin-like UbL) sont conjugués réversiblement à des milliers de protéines cellulaires dont ils modifient l'activité, la fonction et/ou le devenir. De cette manière, les UbL joue un rôle aussi important que les phosphorylations dans virtuellement tous les processus cellulaires. En particulier, ils sont essentiels au contrôle de l'expression des gènes et dérégulés dans une variété de situations pathologiques.
Dans ce contexte, nous étudions comment les UbL et plus particulièrement SUMO, en particulier au travers de leur capacité à réguler les programmes d'expression géniques, sont impliqués dans la réponse des Leucémies Aiguës Myéloïdes (LAM) aux thérapies, les LAM étant des hémopathies malignes avec un pronostic sombre dont le traitement n'a pas significativement changé en 40 ans.
Nos travaux ont permis de montrer que la SUMOylation contrôle la réponse des LAM aux chimiothérapies (anthracyclines telles que la daunorubicine ou l'idarubicine et analogues nucléosides tels que l'aracytine) utilisés dans les traitements standard de la LAM (Bossis et al., Cell Reports, 2014 ; Boulanger et al., Nucleic Acids Reseach, 2023) ainsi qu'aux thérapies de différenciation utilisant l'acide all-trans-rétinoïque (Baik et al., Cancer Research 2018). En outre, nous avons montré que la dérégulation de l'activité des enzymes de SUMOylation et d'ubiquitylation est associée à la résistance de la LAM aux chimiothérapies standard (Gâtel et al., Life Science Alliance, 2020) et pourrait servir de biomarqueur de la réponse de la LAM à ces traitements (brevet EP19305688, 2019).
L'inhibiteur de SUMOylation TAK-981 synergise avec l'azacitidine dans des modèles précliniques de leucémies myéloïdes aiguës et limite l'échappement immunitaire
La découverte récente du TAK-981 (Subasumstat), un premier inhibiteur de SUMOylation, nous a permis de tester dans des modèles précliniques la pertinence thérapeutique du ciblage de la voie SUMO dans la LAM. Nous avons pu montrer que TAK-981 est doté d'une puissante activité anti-leucémique dans divers modèles précliniques de LAM. TAK-981 cible les lignées cellulaires de LAM et les cellules blastiques des patients in vitro et in vivo dans des souris xénogreffées avec une toxicité minimale sur les cellules normales. En outre, il agit en synergie avec la 5-azacitidine (AZA), un agent hypométhylant de l'ADN désormais utilisé en association avec le venetoclax, un inhibiteur de la BCL-2, pour traiter les patients qui ne peuvent pas bénéficier des chimiothérapies standard. Il est intéressant de noter que la combinaison TAK-981+AZA présente une activité antileucémique plus élevée que la combinaison AZA+venetoclax in vivo, du moins dans le modèle testé. Mécaniquement, TAK-981 potentialise la reprogrammation transcriptionnelle induite par l'AZA, favorisant la différenciation et la mort des cellules leucémiques. De plus, le traitement par TAK-981+AZA induit de nombreux gènes liés aux voies de l'inflammation et de la réponse immunitaire. Il entraîne notamment la sécrétion d'interféron de type I (IFN-I) par les cellules de la LAM. Enfin, TAK-981+AZA induit l'expression de ligands activateurs de Natural Killer (NK) (MICA/B) et de protéines d'adhésion (ICAM-1) à la surface des cellules de la LAM. De manière cohérente, les cellules de la LAM traitées par TAK-981+AZA activent les NK et augmentent leur activité cytotoxique (Gabellier et al, Haematologica, 2023). Ainsi, le ciblage de la SUMOylation constitue une approche prometteuse dans les traitement des LAM pour à la fois sensibiliser les cellules cancéreuses à l’azacitidine et limiter leur capacité à échapper à la surveillance du système immunitaire.

La SUMOylation réprime la réponse immune anti-leucémique en contrôlant la voie de l’interféron
En plus de son effet sur les cellules cancéreuses, des travaux récents suggèrent que le ciblage de la SUMOylation active la réponse immune antitumorale innée et adaptative. Compte tenu de leur rôle critique dans la surveillance antitumorale des LAM, nous nous sommes intéressés aux NK. Nous avons montré que l’inhibition de la SUMOylation active les cellules NK de donneurs sains et de patients, augmente leur cytotoxicité envers les cellules de LAM et leur capacité à secréter des cytokines. L’effet le plus précoce du TAK-981 est l’induction du gène IFNB1 liée à l’activation de deux de ses enhancers. Cela entraine la sécrétion d'IFN-β qui, en se fixant au récepteur IFNAR présent sur les NK, active les gènes stimulés par l'interféron (ISG), responsables de l’activation des NK. Le ciblage de la SUMOylation augmente ainsi (i) le nombre et l'activation des cellules NK de manière dépendante de l'IFN-I dans des modèles murins, et (ii) l’activité anti-leucémique de NK humains amplifiés ex vivo et injectés dans des souris greffées avec des lignées leucémiques. Enfin, le TAK-981 induit également une forte production d’IFN-I par les monocytes, ce qui active les NK en trans (Hallal et al, Molecular Cancer Therapeutics, 2025). Ainsi, ces travaux suggèrent que l’inhibition de la SUMOylation permettrait (i) de restaurer l’activité des NK de patients et (ii) augmenter l’efficacité anti-leucémique des NK de donneurs, utilisables dans le cadre d’allogreffe.

Les objectifs de nos travaux actuels sont les suivants : mieux comprendre, au niveau moléculaire, le rôle de la SUMOylation dans (i) la réponse des LAM aux thérapies (chimiothérapies, thérapies de différenciation et thérapies à base d'épidrugs), (ii) l'activation d'une réponse immunitaire anti-tumorale, en particulier par l'activation des cellules Natural Killer. Nous visons également à valider, dans des modèles précliniques de LAM, l'efficacité du ciblage de la SUMOylation dans le traitement des LAM, seul ou en combinaison avec des thérapies existantes. Ces travaux sont menés en étroite collaboration avec le département d'hématologie clinique du CHU de Montpellier. Enfin, nous développons de nouveaux outils et molécules pour cibler la SUMOylation dans la LAM et plus généralement le cancer, en particulier grâce à notre collaboration avec l'équipe du Dr Muriel Amblard (IBMM).





