Nos recherches visent à comprendre comment l’organisation supérieure de la chromatine est impliquées dans le contrôle de l’expression des gènes chez les mammifères dans des situations normales ou pathologiques, et comment elle pourrait influencer certains mécanismes moléculaires au niveau cytoplasmique. Notre programme de recherche s’articule autour de deux axes :
1.Principes physiques gouvernant la conformation et la dynamique de la chromatine à grande échelle chez les mammifères.
Notre équipe a contribué au développement des technologies de Capture de Conformation de Chromosome (3C) en améliorant la sensibilité des tests de 3C (méthode 3C-qPCR) (Hagège et al., 2007 Nature Protocols 2, 1722 ; Ea et al., Meth. Mol. Biol. 15789, 75-88, 2017). Grâce à l’utilisation de de cette méthode, nous avons montré que les loci riches en gènes possèdent des fréquences de contacts modulées périodiquement en fonction de la distance séparant les sites le long du génome (Court et al., 2011 Genome Biol. 12, R42). Après avoir initié une collaboration interdisciplinaire avec Annick Lesne, physicienne, nous avons montré que cette modulation peut être décrite par des modèles dérivés de la physique des polymères, comme si la chromatine était repliée statistiquement en forme d’hélice (modèle d’hélice statistique) (Ea et al., Genes 6, 734-750, 2015).
Nous avons ensuite montré que, à cause de leurs tailles très différentes, des principes d’organisation distincts gouvernent la conformation de la chromatine et ses fluctuations à l’intérieur des domaines topologiques entre la souris et la mouche Drosophile (Ea et al., 2015 BMC Genomics 16, 607 ; collab. avec G. Cavalli, Montpellier). Enfin, dans une étude in-silico, grâce à l’utilisation de données d’association génétique (GWAS), nous avons récemment montré que, pour une fraction des maladies humaines, les variants nucléotidiques à risque (daSNPs) localisent préférentiellement dans les bordures de domaines topologiquement associés (TADs) (Jablonski et al., Human Genomics, en révision ; collab . avec M.T. Hütt, Brême, Allemagne). Les cancers sont relativement plus fréquents parmi ces maladies et nous caractérisons maintenant l’organisation 3D de la chromatine d’un locus paradigmatique associé à un risque élevé de cancer du poumon.
Les corps nucléaires sont des organelles sub-nucléaires qui se comportent comme des gouttelettes lipidiques. Beaucoup d’entre eux s’assemblent in vivo par des processus de séparation de phase et jouent un rôle essentiel dans la coordination de l’expression des gènes en confinant ensemble des régions chromatiniennes spécifiques dispersées dans le génome (Lesne et al., Genes 10, 1049, 2019). Nous avons développé une nouvelle méthode, appelée HRS-seq (High-salt Recovered Sequences-sequencing), permettant l’analyse génomique par séquençage à haut-débit des régions associées aux larges complexes ribonucléoprotéiques (RNPs) du noyau incluant plusieurs types de corps nucléaires. Dans les cellules souches embryonnaires (ES) de souris, nous avons montré que le compartiment chromosomique actif est associé à de tels complexes RNPs (Baudement et al., 2018 Genome Res. 28, 1733-1746 ; collab. avec L. Journot, Montpellier et J. Mozziconacci, MNHN, Paris ).

2.
Revisiter les mécanismes moléculaires de l’amyotrophie spinale (SMA).
L’assemblage des corps de Cajal, une classe particulière de corps nucléaires, est fortement perturbé dans diverses pathologies, dont l’amyotrophie spinale (Spinal Muscular Atrophy, SMA), une maladie héréditaire qui résulte d’une déficience en protéine SMN (Survival of Motor Neuron) et induit une dégénérescence des motoneurones conduisant à une atrophie musculaire sévère. Au niveau cytoplasmique, étant donné la forte polarité des motoneurones, de multiples mécanismes moléculaires sont également perturbés dans cette maladie, dont le transport des ARN messagers le long des axones des motoneurones, ainsi que la formation et le maintien des jonctions neuromusculaires (JNMs). À ce jour, aucun lien n’a pu être clairement établi entre la perturbation des corps de Cajal, la mauvaise localisation de certains ARN messagers et la perte de fonctionnalité des JNMs au cours du développement de la maladie.
Dans un projet conduit par Florence Rage, nous différencions en motoneurones des cellules pluripotentes induites humaines (hiPS) issues d’individus sains ou atteints d’amyotrophie spinale. Ces motoneurones sont utilisés pour revisiter les mécanismes moléculaires de l’amyotrophie spinale à la fois au niveau nucléaire et au niveau cytoplasmique. Nous explorons en particulier :
- Le recrutement à l’échelle génomique des séquences d’ADN dans les corps de Cajal grâce à l’utilisation de la méthode HRS-seq développée dans l’équipe, dans le but d’identifier de nouveaux gènes candidats impliqués dans l’amyotrophie spinale.
- La localisation et la traduction locale des ARN messagers le long des axones des motoneurones en utilisant les systèmes MS2 et SunTag, incorporés dans les cellules grâce à la technologie CRISPR-Cas9.
- La formation, le développement et le maintien de JNMs matures et fonctionnelles à l’intérieur de chambres microfluidiques couplées à des microélectrodes [collaboration interdisciplinaire avec Benoît Charlot (IES), Michel Vignes (IBMM), Gilles Carnac (Phymedexp) (Duc et al., 2021 Lab Chip, doi 10.1039/d1lc00497b)].

- Il est maintenant bien établi que la protéine SMN joue un rôle dans la biogénèse de la machinerie d’épissage ainsi que dans le transport axonal des ARN messagers. En utilisant également ce modèle cellulaire, les travaux entrepris par Johann Soret visent à caractériser les défauts d’épissage des introns mineurs et majeurs dans les motoneurones dérivés de patients SMA et à identifier les partenaires de la protéine SMN dans les complexes de transport axonaux.
- Finalement, en collaboration avec Eran Perlson (Tel Aviv University, Israel) et Benoit Charlot (IES, Montpellier), nous développons aussi des chambres microfluidiques en plaques 24-puits, combinées à des microélectrodes. L’objectif est de reconstituer des JNMs à partir de cellules dérivées de patients atteints d’amyotrophie spinale et de réaliser des tests de molécules thérapeutiques afin de nous rapprocher d’une médecine personnalisée.
